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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 18:21
OVER THERE - STEVEN BOCHCO
La dictature de l'audience n'est pas un vain mot outre-atlantique, nombre de séries peuvent en témoigner qui ont vu leur production prématurément stoppée au bout de quelques épisodes. La qualité n’entre que rarement en ligne de compte, à l’exception de certaines chaînes du câble qui peuvent se permettre quelques audaces, leur public étant « captif » par l’abonnement. On pense notamment à HBO, une chaîne de grande qualité qui a donné sa chance à des OTNI du genre de Carnivale, qui a poursuivi Deadwood et Rome au delà des normes commercialement raisonnables.

Over there (« Là-bas ») fait partie de ces sacrifiés, disparue au bout de 13 épisodes seulement. Un échec facile à analyser après coup, de par son sujet même : la vie d’une unité de soldats engagée en Irak. Tournée en 2005 -en « temps réel » par rapport aux événement s qu’elle décrit-, la série offre un aspect quasi documentaire qui a dérangé le public à un moment où le peuple etazunien n’était pas encore prêt à affronter la réalité en face.
Les films sur le sujet ont d’ailleurs quasiment tous raté leur carrière commerciale, l’Amérique glorieuse et libératrice n’ayant pas encore digéré cette partie là de son histoire. On ne lui jettera pas la pierre, pauvres donneurs de leçons que nous sommes, il y a déjà plus de fictions sur ce conflit que sur "notre" sale guerre à nous…

Pourtant la série ne méritait pas ce désintérêt, son écriture étant plutôt équilibrée, entre réalisme des situations et l’habituelle empathie d’Hollywood pour ses soldats. Ni outrageusement patriotique, ni viscéralement critique, Steven Bochco (NYPD Blues) tente là une écriture équilibrée, ne cachant rien des problèmes de ses compatriotes, engoncés dans leurs certitudes décalées de la réalité et créant plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, de l’impréparation de ces gamins livrés à eux-mêmes dans un pays et une population qu’ils ne comprennent pas, de l’absurdité des commanditaires et des intérêts économiques qui priment souvent sur l’engagement militaire et humain. Même la motivation des GI est dépeinte sous un jour réaliste, plus motivée par l’argent ou la fuite que par un réel élan patriotique. Tout cela traité de manière subtile, sans s’appesantir, sans leçon. Un bel exercice, plutôt réussi, et surprenant venant de la Fox, dont la branche télévisuelle était plus qu’outrageusement dévouée au gouvernement et sa propagande éhontée. (une autre raison pour son arrêt prématuré ?)

Le traitement filmique n’évite pas certains clichés à la mode : filtres jaunes et montage surdécoupé dans les scènes d’action. Un choix qui se révèle finalement très approprié, soulignant parfaitement le quotidien du soldat fait de longs moments d’inaction, d’énormément d’attente entre des « flashs » d’action violents et chaotiques auxquels il ne comprend pas forcément grand chose. Quand le fond et la forme se rejoignent, on peut (presque) parler de réussite artistique...

Pourtant, il faut bien avouer qu’Over there ne convainc pas totalement. Le rythme narratif se trouve en effet plombé par des digressions régulières sur la vie des conjoint(e)s resté(e)s au pays, qui s’intègrent assez mal et paraissent souvent artificielles. Une idée intéressante, qui participe certainement au malaise qui règne autour de ce conflit, mais qui casse la dynamique et peine à trouver son rythme. Une idée qui aurait certainement amené de la profondeur à long terme, mais n’a pas forcément sa place dans un contexte de série courte (13 épisodes).
La comparaison avec Band of Brothers  -référence dans le domaine- ne laisse aucun doute à ce sujet. La série aurait gagné en efficacité et en force si elle était restée concentrée sur son sujet principal.

Mais n’exagérons pas, ce détail ne suffit pas à rejeter complètement Over there. Même si nous sommes certainement mieux informé que nos amis américains sur les tenants et les aboutissants de cette guerre néo-coloniale, il n’est jamais inutile de se confronter à l’histoire, fut-elle brûlante comme ici.
Sans être indispensable, Over there mérite une vision, à coté de films comme « Battle for Haditha », petit chef d’œuvre passé lui aussi inaperçu sur un sujet très proche.

L’internaute curieux se rendra vite compte que la Fox a enterré son bébé en bonne et due forme : pas de site officiel, pas de bande annonce sur youtube. Il faut croiser par hasard les DVD sur un site de discount ou par d’autres moyens peu avouables, pour connaître son existence et pouvoir y jeter un coup d’œil. Une vrai série de culte, donc…

 
Jiheffe
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